sábado, 12 de diciembre de 2009

EL RECUERDO DE LOS GESTOS

“Ahí están pues los hombres escribiéndose a sí mismos sobre el espacio, cubriéndolo de gestos familiares, de recuerdos, de usos e intenciones” explica Roland Barthes en Essais Critiques, Le Monde-Objet.

Barthes describe las naturalezas muertas en la pintura holandesa: “El objeto nunca está solo, nunca está privilegiado; está ahí, y eso es todo, en medio de muchos otros, pintado entre dos usos, formando parte del desorden de movimientos que lo han atrapado, más adelante rechazado, en una palabra, utilizado [...] Todo esto es el espacio del hombre, en el que se mide y determina su humanidad a partir del recuerdo de sus gestos: su tiempo está cubierto de usos, no hay más autoridad en su vida que la que imprime a lo inerte formándolo y manipulándolo.”


Still Life with Cheeses, 1615-20. Floris van Dijck
Oil on panel, 82,5 x 111,2 cm

"Voilà donc les hommes s'écrivant eux-mêmes sur l'espace, le couvrant aussitôt de gestes familiers, de souvenirs, d'usages et d'intentions. Ils s'y installent au gré d'un sentier, d'un moulin, d'un canal gelé, ils y placent, dès qu'ils peuvent, leurs objets comme dans une chambre; tout en eux tend vers l'habitat et rien d'autre: c'est leur ciel."

"Voyez la nature morte hollandaise: l'objet n'est jamais seul, et jamais privilégié; il est là, et c'est tout, au milieu de beaucoup d'autres, peint entre deux usages, faisant partie du désordre des mouvements qui l'ont saisi, puis rejeté, en un mot utilisé. Des objets, il y en a dans tous les plans, sur les tables, aux murs, par terre: des pots, des pichets renversés, des corbeilles à la débandade, des légumes, du gibier, des jattes, des coquilles d'huîtres, des verres, des berceaux. Tout cela, c'est l'espace de l'homme, il s'y mesure et détermine son humanité à partir du souvenir de ses gestes: son temps est couvert d'usages, il n'y a pas d'autre autorité dans sa vie que celle qu'il imprime à l'inerte en le formant et en le manipulant."

BARTHES, Roland: "Le Monde-Objet". En: Essais Critiques. Paris: Collection "Tel Quel", Éditions du Seuil, 1964. Pág. 20.

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